Aux antipodes d’une certaine lecture régionaliste et « pastorale » qui a desservi son œuvre, ce livre a l’ambition de donner à Giono sa place légitime dans la littérature française du XXème siècle, de plus en plus reconnue par tous malgré ici et là quelques interprétations restrictives, aux côtés des plus grands, Proust, Céline, Aragon. Tout au long de cinquante ans de vie d’écriture, l’œuvre gionienne est une véritable traversée du siècle, d’un siècle terrible, marqué par deux conflits mondiaux et l’omniprésence de la tentation totalitaire. Giono, rescapé de 1914-1918, développe une puissante inspiration romanesque autour de deux figures qui prirent sous sa plume une dimension mythique : l’artiste et le déserteur. Dans les deux cas, l’écrivain dresse le portrait d’individus qui s’accomplissent dans leur création, en dehors des mécanismes destructeurs de l’Histoire de leur temps. Le jeu du condottiere est dès lors un exercice de suprême liberté, qui mise tout sur l’invention créatrice et la poésie.