Pays de Grignan, de Valréas, du Tricastin, des coteaux de l’Eygues, il n’y a pas de nom générique pour définir – en dépit de son unité – cette grande houle solidifiée, ceinturée d’une barrière de collines et maintenant couverte de vignobles. Si toute la Provence est une contrée de senteurs, ce pays-ci l’est plus encore : – le vin, de plus en plus somptueux – la truffe, de moins en moins secrète je le crains – la lavande, aussi spectaculaire qu’enivrante quand commence l’été – et, depuis une bonne décennie, les jardins de plantes aromatiques et les collections de fleurs à parfum. Pour bien apprécier ce pays, il faut non seulement un Å“il attentif, mais aussi un nez et un palais à l’affût. Dans ces paysages propres, pas de grandes montagnes que survolent les aigles, pas de gorges tranchées dans des tourbillons de calcaire, pas d’avens emportant l’eau vers des résurgences à l’autre bout du monde, pas ou peu de sentiers qui se perdent dans l’inconnu, mais de grandes étendues de vignes et de lavandes dont l’alignement satisfait notre besoin naturel de dominer, de plus discrets alignements de chênes grêles sous lesquels pousse le diamant noir, en somme une nature policée, aimable, on pourrait presque dire maîtrisée si une rivière ne lâchait de temps en temps sa colère. Mais l’homme n’a pas seulement labouré ce pays, il y a aussi bâti : j’y dénombre trente-deux villages, trente-cinq châteaux ou donjons isolés, deux fois autant d’oppida, trente-deux églises, quelques temples, deux abbayes, soixante-dix-sept chapelles (pour partie en ruines) et sûrement – le long de bucoliques ripisylves – des ratons-laveurs. Alors en route ?