Alors que Picasso et ses amis découvrent l’Art nègre, sur fond de rythmes venus d’outre-Atlantique, c’est en 1921 que les jurés du Prix Goncourt portent leur choix sur un écrivain de couleur, le Guyanais René Maran, auteur de Batouala, sous-titré « véritable roman nègre ». L’événement, qui fait scandale, marque le coup d’envoi d’un vaste mouvement de reconnaissance et d’affirmation des valeurs culturelles du monde noir qui va bientôt triompher sous la bannière de la Négritude, brandie conjointement par Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon Gontran Damas. Ces pionniers, qui ont fait le choix de la poésie pour dire leur révolte et leurs espoirs, ne tardent pas à être relayés par plusieurs générations de dramaturges et de romanciers attachés à réhabiliter des sociétés trop longtemps marginalisées, à en décrire les mécanismes complexes et à dénoncer des dérives autant coloniales que post-coloniales. Alors qu’au seuil des années quatre-vingt émerge enfin une littérature féminine, aux accents contestataires, les écrivains, pour la plupart, s’émancipent progressivement des idéologies qui avaient marqué les premières œuvres et s’engagent dans une aventure des écritures traduisant l’entrée des littératures africaines dans une modernité textuelle ouverte à tous les souffles du monde.